[D-G] giorgio agamben on collective "corps aux nanas vies russes"

Dewey Dell dewey.dell5 at gmail.com
Fri Feb 28 11:36:11 PST 2020


Face aux mesures d’urgence frénétiques, irrationnelles et totalement
injustifiées pour une supposée épidémie due au coronavirus, il faut partir
des déclarations du CNR (*Consiglio Nazionale delle Ricerche*), selon
lesquelles «  il n’y a pas d’épidémie de Sars-CoV2 en Italie » .

Et ce n’est pas tout : «  l’infection, d’après les données épidémiologiques
disponibles aujourd’hui sur des dizaines de milliers de cas, provoque des
symptômes légers/modérés (une sorte de grippe) dans 80 à 90 % des cas. Dans
10 à 15% des cas, une pneumonie peut se développer, mais l’évolution est
bénigne dans la majorité absolue. On estime que seulement 4 % des patients
doivent être hospitalisés en soins intensifs » .

Si telle est la situation réelle, pourquoi les médias et les autorités
s’efforcent-ils de répandre un climat de panique, provoquant un véritable
état d’exception, avec de graves limitations des mouvements et une
suspension du fonctionnement normal des conditions de vie et de travail
dans des régions entières ?

Deux facteurs peuvent contribuer à expliquer un tel comportement
disproportionné.
Tout d’abord, on constate une fois de plus une tendance croissante à
utiliser l’état d’exception comme paradigme normal de gouvernement. Le
décret-loi immédiatement approuvé par le gouvernement «  pour des raisons
de santé et de sécurité publiques » entraîne une véritable militarisation
«  des municipalités et des zones où a été contrôlée positive au moins une
personne dont la source de transmission est inconnue ou dont le cas n’est
pas imputable à une personne provenant d’une zone déjà infectée par le
virus » . Une formule aussi vague et indéterminée permettra d’étendre
rapidement l’état d’exception dans toutes les régions, car il est presque
impossible que d’autres cas ne se produisent pas ailleurs.

Considérez les graves restrictions à la liberté prévues par le décret :
interdiction de sortir de la municipalité ou de la zone concernée pour
toute personne présente dans la municipalité ou la zone ; interdiction
d’accès à la municipalité ou à la zone concernée ; suspension des
manifestations ou initiatives de toute nature, des événements et de toute
forme de réunion dans un lieu public ou privé, y compris culturel,
récréatif, sportif et religieux, même s’ils ont lieu dans des lieux fermés
ouverts au public ; suspension des services éducatifs pour les enfants et
des écoles de tous les niveaux, ainsi que de la fréquentation des activités
scolaires et d’enseignement supérieur, à l’exception des activités
d’enseignement à distance ; suspension des services pour l’ouverture au
public des musées et autres institutions culturelles et des lieux visés à
l’article 101 du code du patrimoine culturel et du paysage, conformément au
décret législatif du 22 janvier 2004, n. 42, ainsi que l’efficience des
dispositions réglementaires sur l’accès libre et gratuit à ces institutions
et lieux ; suspension de tous les voyages éducatifs, tant dans le pays qu’à
l’étranger ; suspension des procédures collectives et des activités des
bureaux publics, sans préjudice de la prestation des services essentiels et
d’utilité publique ; application de la mesure de quarantaine avec
surveillance active des personnes ayant été en contact étroit avec des cas
confirmés de maladie infectieuse généralisée.

La disproportion face à ce qui, selon le CNR, est une grippe normale, peu
différente de celles qui se répètent chaque année, est évidente.
Il semblerait que, le terrorisme étant épuisé comme cause de mesures
d’exception, l’invention d’une épidémie puisse offrir le prétexte idéal
pour les étendre au-delà de toutes les limites.

L’autre facteur, non moins inquiétant, est l’état de peur qui s’est
manifestement répandu ces dernières années dans les consciences des
individus et qui se traduit par un réel besoin d’états de panique
collective, auquel l’épidémie offre une fois de plus le prétexte idéal.
Ainsi, dans un cercle vicieux et pervers, la limitation de la liberté
imposée par les gouvernements est acceptée au nom d’un désir de sécurité
qui a été induit par ces mêmes gouvernements qui interviennent maintenant
pour le satisfaire.

*Giorgio Agamben*

Cet article a initialement paru en italien sur le site du journal *Il
Manifesto <https://ilmanifesto.it/>*.


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